Les barges de la bataille de Pietracorbara

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En bref...

Marinefährprahm de Type A (©Marco Gurk, Historisches MarineArchiv)

Les épaves des Marinefährprahm (MFP) 612 et 366 reposent, complètement retournées, à plus de 50 mètres de profondeur dans le Parc naturel Marin du Cap Corse et de l’Agriate, entre les tours génoises de l’Osse et de Meria.

Ces deux barges de débarquement de la Kriegsmarine font partie des quatre navires coulés le 9 septembre 1943 lors de la bataille navale de Pietracorbara qui oppose Allemands et Italiens au lendemain de l’Armistice de Cassibile.

Histoire du site

Ces deux épaves sont découvertes autour des années 2000.

La première, MFP-366, appelée “Barge de l’Insuma”, a été déclarée au Drassm en 1996 par J. Giuliani, J. Sevilla, F. Varenne et C. Russo.

Quant à la MFP-612, surnommée “Barge de Meria”, elle est découverte en 2001 par Freddy Guilani, plongeur au club de Santa Severa.

Le bateau et son gréement

Marinefährprahm de Type A (©Marco Gurk, Historisches MarineArchiv)

La Barge de l’Insuma, MFP-366 est une barge de débarquement de type A, construite pour la Kriegsmarine à la Bayerische Schiffbaugesellschaftn, un chantier de construction situé en Bavière, et achevée au chantier naval de Marseille. Lors de sa mise en service en 1943, la MFP-366 est intégrée à la 6e flottille puis à la 4e flottille de débarquement de la Kriegsmarine.

Sous l’eau, posée sur le sable à 68 m de profondeur, la Barge de l’Insuma se présente coque en l’air avec ses trois hélices et ses trois arbres d’hélices bien visibles. Les épaves sont des zones où la vie se développe vite et en grande quantité, ce qui explique la présence des restes de deux grands filets de chaluts accrochés à l'épave, vestiges de l'activité de pêche dans la zone.

La Marinefährprahm 612, dite Barge de Meria, est une barge de débarquement de type C. Sa construction commence en 1942 à Heusden aux Pays-Bas aux chantiers De Haan & Oerlemans et est terminée durant l’été 1943 par les Forges et Chantiers de la Méditerranée basés à La-Seyne-sur-Mer. La barge est alors intégrée à la 4e flottille de débarquement de la Kriegsmarine.

La Barge de Meria se dévoile par 54 m de fond, complètement retournée, sa “carapace” déformée tournée vers la surface.

Ces barges de débarquement sont les plus grandes de la flotte de la Kriegsmarine. Conçues à l’origine pour le projet d’invasion de la Grande-Bretagne par l’Allemagne nazie (opération Seelöwe), elles seront principalement utilisées comme transport de troupes, d’armement et de véhicules, comme mouilleur de mines, comme navire d’escorte ou encore comme canonnière.

Mesurant 47 m de long et 6,5 m de large, leur forme rectangulaire et leur poupe surélevée sont très caractéristiques. Dotés d’un toit sur la partie centrale, ces bâtiments blindés naviguent à une vitesse maximum de 10,5 nœuds grâce à trois moteurs diesels 6 cylindres reliés aux trois hélices.

Environ 700 de ces barges seront assemblées de 1941 à 1945. Il existe quatre grands types de MFP (A à D). L’évolution de leur conception résulte d’améliorations générales mais également de besoins spécifiques, tels que le transport de lourds chars ou l’ajout de dispositifs pour mouiller les mines.

Elles sont armées de deux canons antiaériens et d’un canon antichar et leurs équipages sont constitués de 12 à 25 hommes suivant leur type.

Le contexte historique et les données d'archives

Carte représentant les mouvements des navires lors de la bataille navale de Pietracorbara (© Corse Images Sous-Marines d'après un document d'archive allemand)

Le 3 septembre 1943, l’armistice entre le royaume d’Italie et les forces alliées est signé en secret. La Corse est alors commandée par les Italiens et par les Allemands.

Ce n’est que le soir du 8 septembre que la nouvelle de l’armistice, prononcé par le maréchal Badoglio, se répand.

Dans le port de Bastia, de nombreuses petites unités italiennes et un torpilleur sont présents ainsi que sept bâtiments de la Kriegsmarine. Au large, un second torpilleur italien et une corvette patrouillent.

Les commandements italien et allemand de la Corse conviennent d’un arrangement approuvé par Rome : les navires allemands se retireront pacifiquement vers les côtes françaises. Cela n’aura jamais lieu.

Le soir même, les équipages de la Kriegsmarine attaquent les navires italiens du port. Les Italiens reçoivent l'ordre de contre-attaquer et des renforts arrivent sur place.

La situation se retourne et l’ensemble des unités allemandes quitte le port. Elles sont attaquées par les batteries côtières ainsi que par le torpilleur italien Aliseo et la corvette italienne Cormorano. Les Allemands se défendent mais les tirs précis du torpilleur sont plus efficaces. Quatre des sept navires, dont les MFP-612 et MFP-366, sont coulés et les trois autres, endommagés, sont échoués sur une plage.

C’est à 23h45, le 8 septembre 1943, que l’attaque surprise allemande débute dans le port de Bastia, avec l’assaut du torpilleur italien Ardito resté à quai.

L’équipage tente de se défendre mais les autres unités de la Kriegsmarine ouvrent le feu. Le torpilleur et d’autres bâtiments plus petits tombent aux mains des Allemands. Les pertes humaines sont importantes.

Le commandant italien en Corse est informé, il ordonne de répondre par la force. Un groupe de combat de l’infanterie est dépêché sur place dans la nuit pour contre-attaquer.

Le rapport de force s’inverse et l’ensemble des unités allemandes, deux chasseurs de sous-marins et cinq barges à moteur, quitte le port de Bastia à 6h00. Elles sont accueillies par les tirs de batteries côtières et par le torpilleur Aliseo qui a pour ordre de détruire les navires de la Kriegsmarine.

La bataille se poursuit, les deux camps usent de leur artillerie, mais les Allemands ne sont pas assez précis, contrairement au torpilleur. Celui-ci coule un premier chasseur de sous-marins (UJ-2203) à 8h20. À 8h30 l’UJ-2219 l’Insuma est touché et sombre à son tour. Trois des cinq barges (MFP-366, MFP-459 et MFP-623) sont coulées ou mises hors d’état de nuire dans les cinq minutes suivantes.

Les deux dernières, MFP-387 et MFP-612, sont prises en chasse par la corvette italienne Cormorano. La première est échouée volontairement et sabordée. La seconde est sabordée par son équipage au large de la Tour de L’Osse.

Lieux d'exposition du mobilier

In-situ

Quelques curiosités

L'Insuma lors d'une plongée en août 2017 (© Corse Images Sous-Marines)

Une autre épave spécifiquement liée à la bataille navale de Pietracorbara, celle de l’Insuma, yacht converti en chasseur de sous-marin par la Kriegsmarine, est très appréciée par les plongeurs locaux.

Des restes métalliques sont parfois visibles, dépassant du sable sur la plage de Pietracobara ; il pourrait s’agir des vestiges des barges MFP-459, -632 et -387, échouées et sabordées le 9 septembre 1943.

Toutes les épaves de MFP coulées pendant la guerre reposent sous l’eau, la coque en l’air. Le poids trop important de leurs superstructures entraînait tout le bâtiment lorsque celui-ci était coulé par l’ennemi.

Pays France
Aire marine protégée Parc Naturel Marin du Cap Corse et de l'Agriate
Département Haute-Corse
Commune
Lieu-dit Entre Meria et Pietracorbara
Code EA MFP-366 = 30-3484 & MFP-612 = 30-3096
Nature du site Épave de navire
Chronologie Période contemporaine
Indicateur de période Archives, structure
Structures Coque, hélices
Mobilier Amphores :
Céramiques :
Autre :
Lieu d'exposition In-situ
Contexte Géologie : Sable
Situation : Immergé
Profondeur : Entre 50 et 70 mètres
Historique des recherches Déclaration : MFP-612 = 2001 - Freddy Guilani ; MFP-366 = 1996 - J. Giuliani, J. Sevilla, F. Varenne et C. Russo.
Expertise:
Opérations:
Commentaires
Rédacteur Claire Destanque

Bibliographie essentielle


Pour approfondir


Photos

Marinefährprahm de Type A (©Marco Gurk, Historisches MarineArchiv) Marinefährprahm de Type A (©Marco Gurk, Historisches MarineArchiv) Carte représentant les mouvements des navires lors de la bataille navale de Pietracorbara (© Corse Images Sous-Marines d'après un document d'archive allemand) L'Insuma lors d'une plongée en août 2017 (© Corse Images Sous-Marines)